La terre des mensonges, Anne B. Ragde
La terre des mensonges est le premier tome d'une saga familiale norvégienne, narrant les retrouvailles un peu houleuses des trois fils et de la petite-fille d'Anna, accourus au chevet de la vieille dame, quelques jours avant Noël, à Trondheim. Le récit s'intéresse tour à tour à chacun des personnages, nous immergeant avec authenticité dans leur quotidien. Margido est un entrepreneur de pompes funèbres blasé tandis qu'Erlend, décorateur de vitrines, s'est exilé à Copenhague après l'aveu de son homosexualité à sa famille. Tor, demeuré dans la ferme familiale et vouant une passion à ses animaux, a récemment fait connaissance avec Torunn, sa fille de trente-sept ans, qui vient voir sa grand-mère pour la première fois.
J'ai adoré me plonger dans l'univers ô combien dépaysant de la Norvège, que je ne connais pas du tout mais que j'aimerais beaucoup visiter un jour. Les personnages, tous très différents , impeccablement croqués sur le vif, et leurs relations complexes, m'ont tout de suite parlé. De la soumission à la volonté maternelle à la rupture totale (le passage où Erlend rend visite à sa mère mourante à l'hôpital est assez croustillant) en passant par une morne indifférence, c'est trois voies différentes qu'ont choisies les frères Neshov. Margido, semble très distant des événements et vit les derniers instants de sa mère avec autant de recul qu'au travail ; Erlend cache sous sa cuirasse glaciale et son cynisme une grande sensibilité malgré son violent rejet de tout ce qui a trait à son enfance, à son origine rurale et à le Norvège en général . « J'ai horreur de me rappeler des choses que j'ai gentiment mises en boîte et rangées au grenier. » Quant à Tor, il est attendrissant de naïveté et de simplicité. Ce roman pose des questions essentielles sur la vie : la difficulté des relations familiales, le rejet de l'homosexualité, les mauvais choix. Malgré un sujet difficle, l'atmosphère est loin d'être oppressante : le lien qui se tisse entre Erlend et sa nièce Torunn réchauffent l'ambiance, ainsi que l'ironie mordante qui surgit ici et là. « ça rapporte les morts. »
Une lecture très agréable et prenante, qui m'a tenue en haleine jusqu'à la révélation finale. J'attends avec impatience le tome 2 !
Pour prolonger un peu l'ambiance nordique, je ne peux pas m'empêcher de vous faire partager la description du grand salon traditionnel :
p. 314 « C'était une grande pièce imposante, avec une longue table au milieu et huit chaises autour, dossiers hauts et sièges en cuir. Les murs étaient faits de rondins bruts peints en vert, le sol de larges planches à l'état naturel. Plusieurs tapisseries à motifs géométriques décoraient les murs, et dans la grande cheminée ouverte, une marmite en fonte noire était suspendue à une grosse chaîne. »
On irait bien y savourer une bonne soupe chaude cuite au chaudron...