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30 avril 2017

Au Bonheur des Dames, Emile Zola

« C'était la cathédrale du commerce moderne solide et légère, faite pour un peuple de clientes. » (p. 300)

 

Au Bonheur

 Denise, une jeune fille orpheline arrive à Paris avec ses deux frères dans l'espoir de trouver du travail auprès de son oncle Baudu. Mais très vite, elle se rend compte que le petit commerce périclite, aspiré par la présence du tout-puissant Bonheur des Dames. En désespoir de cause, Denise va y trouver un emploi, au grand dam de Baudu, et rencontrer son propriétaire, Octave Mouret.

L'intrigue est relativement ténue dans cet opus. L'étonnante histoire d'amour naissante entre Mouret et Denise constitue le fil rouge de long roman. Comment la jeune fille provinciale et ignorante du système va gravir les échelons et conquériir – sans le vouloir – le cœur d'un patron cupide et cynique ? Mais il s'agit aussi et surtout pour le lecteur de se promener à travers le grand magasin au gré des opérations promotionnelles lancées par Mouret. De découvrir la naissance de la société de consommation. Et d'assister, impuissant, à la mort des petits commerces.

C'est un récit d'une surprenante modernité. On s'aperçoit que les grandes chaînes contemporaines n'ont pas inventé grand-chose au final. Le Bonheur est tour à tour la maison des clientes, leur lieu de perdition et une chapelle dédiée au culte de l'argent. Mouret, personnage de papier, et sans doute aussi les personnes en chair et en os de l'époque dirigeant le Louvre et le Bon Marché, ont bien compris que le client aime se sentir chez lui quand il fait des achats : la salle de lecture du Bonheur m'a fait penser à une célèbre chaîne suédoise qui joue elle aussi sur la proximité et le bien-être du client ; les ballons offerts au nom du magasin, le rayon enfant, le concept « satisfait ou remboursé », tout y est… Et on s'étonne de découvrir déjà la fièvre consumériste, les opérations de marketing mais aussi la précarité de la situation des employés : « Etait-ce humain, était-ce juste, cette consommation effroyable de chair que les grands magasins faisaient chaque année ? » (p. 430). Heureusement, émerge peu à peu l'idée de protection sociale et de formation au Bon Marché, ainsi que l'expliquent plusieurs notes.

Mais surtout, quel plaisir de lire ces différentes « poème[s] de l'activité moderne » ! Déjà du temps de mes études, Zola était mon classique préféré, et il n'est pas prêt de redescendre de son piédestal ! Les descriptions qu'il offre des différents tissus et produits sont vivantes, animées d'un souffle poétique tangible : les étoffes sont couleurs, lumière, bijoux, formes mouvantes. Quel plaisir de savourer les mots colorés de même que l'on contemple un tableau aux nuances subtiles. P. 47 « Une exposition de soies, de satins et de velours, y épanouissait, dans une gamme souple et vibrante, les tons les plus délicats des fleurs : au sommet, les velours, d'un noir profond, d'un blanc de lait caillé ; plus bas, les satins, les roses, les bleus, aux cassures vives, se décolorant en pâleurs d'une tendresse infinie ; plus bas encore, les soies, toute l'écharpe de l'arc-en-ciel [...] » Plus que l'histoire, ce que je retiendrai du Bonheur, comme du Ventre de Paris, ce sont ces descriptions qui font rêver.

***

 p. 98 « Cependant, elle n'avait point osé jusque-là, se risquer dans le hall des soieries, dont le haut plafond vitré, les comptoirs luxueux, l'air d’église, lui faisait peur. »

 p. 159 « Des satins clairs et des soies tendres jaillissaient d'abord : les satins à la reine, les satines renaissance, aux tons nacrés d'eau de source ; les soies légères aux transparences de cristal, vert Nil, ciel indien, rose de mai, bleu Danube. »

p. 301 « La grande puissance était surtout la publicité. »

p. 311 « A nu sur le bois, dans des cartons éventrés, hors des casiers trop pleins, une moisson de foulards mettait le rouge vif des géraniums, le blanc laiteux des pétunias, le jaune d'or des chrysanthèmes, le bleu céleste des verveines [...] »

 p. 390 « Jamais il n'avait aimé ainsi, avec ce charme puissant dans la souffrance. »

 Les Rougon-Macquart, le score : 14/20 !

 Il me reste à lire :

 Son excellence Eugène Rougon

Une page d'amour

Nana

La terre

L'Argent

La débâcle

 Si vous êtes tentés par une LC, n'hésitez pas à me le dire !

Challenge des 12 thèmes chez A little-bit-dramatic : "Plume d'oie et cire à cacheter", un classique de la littérature.

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Commentaires
M
J'ai ce livre. Ça fait plusieurs fois que j'ai envie de le commencer. Par contre, j'ai vu quelques épisodes de la série inspirée du roman. Bienvenue au Paradis.. quelque chose comme ça et j'ai été déçue. Mais sans doute le roman est plus accrocheur?
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M
Une belle lecture pour moi aussi, même si ça n'est pas mon préféré ! Et le dénouement est un peu plus optimiste que d'habitude, pour certains en tout cas !
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N
C'estun de mes romans favoris dans cette fresque ! Plus que l'intrigue, en effet, c'est le reflet d'une société en plein changement. Et aujourd'hui on essaie de réhabiliter les petits commerces. Une pensée pour les boutiques de centre ville ce matin ;)
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